Pierre Mauroy, le dernier socialiste par Pierre-Emmanuel Guigo


Rappel : le jeudi 28 novembre prochain de 18h à 20h, se tiendra dans les locaux de la Fondation Jean-Jaurès 12 cité Malesherbes à Paris, une soirée débat consacrée à la carrière politique de Pierre Mauroy. Organisée par la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Pierre Mauroy en partenariat avec les éditions Passés composés, à l’occasion de la sortie du livre de Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences à l’Université Paris-Est Créteil, intitulé Pierre Mauroy, le dernier socialiste, cette manifestation sera animée, en présence de l’auteur par Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire.

En attendant, vous trouverez ci-dessous un texte de présentation du livre de Pierre-Emmanuel Guigo rédigé par Ghislaine Toutain, secrétaire de l’Institut Pierre Mauroy ainsi qu’un bulletin d’inscription à remplir si vous souhaitez participer à cette réunion.


Pierre Mauroy, Le dernier socialiste

Par Pierre-Emmanuel Guigo

Qui était Pierre Mauroy, le premier Premier ministre de François Mitterrand quand la gauche accède au pouvoir en 1981 ? Le dernier socialiste ? C’est ainsi que le présente Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Est Créteil, en titre de son dernier ouvrage[1]. Un peu par provocation, comme il le reconnaît, sur le site de l’IPM dans l’entretien avec Arthur Le Meur[2] et aussi, sûrement, au regard de la situation difficile actuelle du Parti socialiste français.

Il est certain que, onze ans après sa mort, Pierre Mauroy « continue aujourd’hui à marquer les esprits », comme l’analyse l’auteur. Tout son livre est consacré à expliquer cette réalité, qui prend naissance dès l’adolescence du futur maire de Lille. Par un remarquable travail de recherche, notamment dans les archives inédites de la Fondation Jean-Jaurès et par des entretiens approfondis avec des proches de Pierre Mauroy, Pierre-Emmanuel Guigo retrace de façon très précise et complète le chemin politique de Pierre Mauroy, de son adhésion aux Jeunesses socialistes en 1945 (il a dix-sept ans) à sa présidence de l’Internationale socialiste en 1992, en passant notamment par le numéro deux de la SFIO sous Guy Mollet (1966-1969), la création de la Fédération Léo Lagrange en 1950, le maire de Lille (1973-2001), le Premier ministre de François Mitterrand (1981-1984), le premier secrétaire du PS (1988-1992) et le fondateur de la Fondation Jean-Jaurès en 1992, sans oublier, bien sûr, ses mandats de député (1973-1981, 1986-1992 puis de sénateur (1992-2011).

L’auteur évoque aussi l’homme Pierre Mauroy, sa famille – Gilberte sa femme et Fabien son fils -, ses rapports respectueux et amicaux avec ses collaborateurs comme avec l’ensemble de ses contacts en France et à l’étranger, même ceux n’appartenant pas au même parti politique que lui. Pierre-Emmanuel Guigo rapporte ainsi que, lors de son décès le 7 juin 2013, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre (aujourd’hui président de la Fondation Jean-Jaurès succédant à Henri Nallet), venant se recueillir à l’hôpital eut ces mots : « Pierre Mauroy était quelqu’un qui était aimé, qu’on aimait et qui était un homme engagé à la fois à ses idées de socialiste, mais aussi un grand républicain et un grand homme d’Etat ». Quelques mois après son décès, souligne encore Pierre-Emmanuel Guigo, un Institut Pierre Mauroy « est créé par son entourage afin de faire vivre sa mémoire sur un site internet et par des événements politiques et scientifiques réguliers »[3].

Un livre original et unique, donc, qui analyse de façon détaillée cinquante ans de socialisme en France à travers la vie et l’action d’un homme, Pierre Mauroy, « le dernier » sans doute qui ait incarné à la fois les origines ouvrières, laïques et enracinées dans les territoires du socialisme français  – qui sont aussi les siennes – et l’évolution sociologique du PS au cours des années 1980-1990, de moins en moins ouvrière et de plus en plus issue de la haute fonction publique (l’ENA notamment). A Matignon, Pierre Mauroy intégrera dans son cabinet de nombreux représentants de cette évolution, tout en poursuivant une transformation sociale à travers les réformes de 1981-1982 : cinquième semaine de congés payés, temps de travail hebdomadaire à trente-neuf heures, lois Auroux, retraite à soixante ans.

Pierre Mauroy saura gérer les frictions engendrées par ces deux approches du socialisme, se situant dans une approche sociale-démocrate, comme l’analyse Pierre-Emmanuel Guigo. Rejoignant Jean Peyrelevade, ancien directeur-adjoint du cabinet de Pierre Mauroy à Matignon, qui, dans son ouvrage « Réformer la France »[4], estime que le gouvernement de Pierre Mauroy « est l’unique gouvernement réformiste de la Ve République ». Pierre Mauroy ne s’est jamais publiquement défini social-démocrate, sauf, peut-être, lors de l’entretien accordé le 27 août 1991 à Libération, dans lequel il déclare que « la social-démocratie reste une idée neuve pour la France et pour le monde »[5],  une citation similaire figurant dans Le Figaro du lendemain.

Quoi qu’il en soit, pour Pierre-Emmanuel Guigo, Pierre Mauroy a laissé dans la mémoire des socialistes, des Lillois et plus généralement dans celle des Français un « souvenir globalement positif », même si son nom évoque plus, pour la jeune génération, un stade de football qu’un responsable politique qui a su inscrire l’action des socialistes dans la durée, héritier d’un socialisme du début du XXe siècle mais aussi « héritier de l’avenir[6] », « conscient de la nécessité d’élargir la base sociale du parti, de moderniser les industries au prix, parfois, de sacrifices mais sans jamais oublier la classe historique du parti ».

C’est pourquoi, alors que le Parti socialiste français est à la recherche de sa reconstruction dans un pays confronté à de lourds problèmes sociaux, économiques, énergétiques et climatiques notamment, le livre que Pierre-Emmanuel Guigo consacre à Pierre Mauroy est plus que jamais d’actualité.

Ghislaine TOUTAIN


[1] Pierre-Emmanuel Guigo, Pierre Mauroy, Le dernier socialiste, Editions Passés/composés, septembre 2024,

383 pages, 23euros

[2] Entretien de Pierre-Emmanuel Guigo avec Arthur Le Meur, site de l’IPM, rubrique Témoignages/Livres et articles, 5 octobre 2024

[3] L’institut Pierre Mauroy est co-présidé par Bernard Derosier et Michel Thauvin.

[4] Réformer la France, par Jean Peyrelevade, Editions Odile Jacob, avril 2023, 286 pages, 22,90 euros

[5] Citation présente dans les archives de la FJJ numérisées en partenariat avec l’Institut Pierre Mauroy, recherchée par Guillaume Touati, responsable des archives de la FJJ.

[6] Titre du premier livre écrit par Pierre Mauroy, Héritiers de l’avenir, Editions Stock,1977