Réformer la France par Jean Peyrelevade


A quelques jours du dixième anniversaire du décès de Pierre Mauroy, Jean Peyrelevade, directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy à Matignon entre 1981 et 1983, publie aux Editions Odile Jacob un intéressant ouvrage consacré à l’action réformatrice des différents gouvernements de gauche qui ont dirigé la France depuis plus de deux siècles. On y trouve évidemment une analyse détaillée de l’action conduite à l’époque par le gouvernement de Pierre Mauroy qui a réussi, malgré les oppositions de la gauche « radicale », à mettre en place des mesures sociales qui demeurent dans toutes les mémoires tout en assurant le redressement économique de la France par la « rigueur ».


Ghislaine Toutain, secrétaire de l’Institut, nous commente cet ouvrage

Notre ami Jean Peyrelevade vient de publier aux éditions Odile Jacob « Réformer la France ». Celui qui a été de mai 1981 à mars 1983 directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy chargé des questions économiques se livre à une analyse de l’impossible réformisme en France, de 1789 à nos jours, cette doctrine politique visant à améliorer les structures existantes, économiques et sociales, par des réformes progressives plutôt que par une révolution et qui a façonné les social-démocraties du nord de l’Europe notamment.

L’auteur concède cependant deux exceptions aux « échecs passés du réformisme » dans notre pays, le gouvernement de Front populaire de Léon Blum sous la IIIe République et le « miracle » qui se produisit sous la Ve République quand François Mitterrand appela en mai 1981 comme Premier ministre « un vrai social-démocrate, réformiste jusqu’au bout des ongles, Pierre Mauroy ».

Jean Peyrelevade a vécu de l’intérieur ces deux premières années du gouvernement de Pierre Mauroy qu’il a connu au début des années 60, quand il adhère à la SFIO. Certes, l’histoire est connue mais l’auteur, qui en est aussi un acteur aux côtés d’Henri Guillaume notamment, révèle, presque jour après jour, comment Pierre Mauroy et ses collaborateurs ont réussi, malgré les oppositions de la gauche « radicale », à la fois l’importance des mesures sociales qui demeurent dans toutes les mémoires et le redressement économique de la France par la « rigueur » expliquée à François Mitterrand dans une lettre que lui a remis en mains propres Pierre Mauroy le 6 juin 1982 et qui est publiée en annexe dans le livre.

Pour l’auteur, les gouvernements de gauche qui ont suivi le gouvernement Mauroy ont renoué avec la gauche radicale, excepté, en partie, sous la présidence de François Hollande. Quant à la droite au pouvoir, refusant la mise en cause de ses privilèges, elle a donné à « la rigueur » un caractère réactionnaire.

Face aux défis énormes dans tous les domaines que la France doit relever aujourd’hui, l’auteur estime que seul un gouvernement social-démocrate, authentiquement réformiste, peut la « sortir d’un sentiment de déclin et lui redonner espoir ». C’est l’objet de « l’esquisse d’un programme réformiste » qu’il propose en troisième partie de son livre, bâti autour de six points fondamentaux : la réforme des institutions, la relation au pouvoir de chaque citoyen, dans l’ordre politique comme dans l’ordre économique et social, la modernisation du système de protection sociale et la lutte contre toutes les formes d’inégalités, le retour à la compétitivité de l’appareil productif, la révolution écologique, le projet européen. De quoi nourrir la réflexion et l’action du parti social-démocrate français actuellement à la recherche de sa reconstruction.

Un ouvrage qui offre une analyse originale et rare de l’histoire de « l’impossible » social-démocratie réformiste en France, argumenté et qui peut susciter un débat riche et porteur d’avenir pour la France de demain.

Ghislaine Toutain